Gustave Flaubert
(1821-1880)
Le nom de Gustave Flaubert est directement lié à l’histoire du réalisme critique en France. Il est considéré aujourd’hui comme l’un des fondateurs du roman moderne, qui engagea le roman dans la voie de l’observation méthodique et objective.
Son oeuvre, conçue entre 1848 et 1871, est aussi extrêmement complexe que son époque ce qui a trouvé réflexion dans ses romans.
Gustave Flaubert est né à Rouen d’un père chirurgien. Élève plutôt doué mais indiscipliné, initié très jeune à la philisophie par son ami de coeur Alfred Le Poittevin, il fut un «enfant du siècle », exemplaire, passionné de romantisme: ses auteurs préférés étaient W.Scott, Cervantes, Shakespeare, Byron, Hugo. Il fut convaincu très tôt de sa vocation d’écrivain.
En 1842-1843, son père l’envoya contre son gré faire son droit à Paris. Mais Flaubert se sentait attiré vers la littérature depuis son plus jeune âge et il la préféra à la jurisprudence. En janvier 1844, une crise nerveuse épileptiforme d’une extrême violence obligea sa famille à accepter sa vocation littéraire.
Après la mort de son père (1845) qui lui laissa une certaine fortune, Flaubert se fixa dans sa propriété de Croisset près de Rouen, où il passa presque toute sa vie se vouant à la littérature. Sa biographie reste indissociable de son métier d’écrivain. Mal comprise par ses contemporains, son expérience créatrice a suscité un intérêt croissant au XX siècle, non seulement parce que ses oeuvres ont marqué un tournant dans la forme et la conception du genre romanesque, mais aussi parce qu’il a laissé derrière lui une éblouissante Correspondance (4000 lettres), une sorte de journal de sa création, et un fonds considérable de manuscrits de travail (près de 30000 pages).
Pour Flaubert, un «écrivain digne de ce nom ” n’écrit pas pour son époque, mais pour tous les lecteurs à venir, «aussi longtemps que la langue vivra ».
L’oeuvre de Flaubert comprend, sans compter ses essais de jeunesse, trois romans (Madame Bovary, Salammbô, l’Education Sentimentale), un poème en prose (la Tentation de Saint-Antoine), trois récits (Trois Contes), une comédie (le Candidat) et un roman inachevé (Bouvard et Pécuchet). Quant aux productions de Flaubert pour le théâtre, plusieurs de ses oeuvres narratives ont été portées à la scène, comme La Légende de Saint-Julien l’Hospitalier.
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Au début, son oeuvre semble empreinte d’un pessimisme un peu maladif, face aux perturbations politiques d’une époque historique particulièrement mouvementée. Il cherche sa voie dans divers genres tels que la nouvelle historique ou le récit fantastique, par exemple Smarch (1835). Dans cette nouvelle, un des personnages affirme avec amertume que l’inégalité sociale, la richesse des uns et la misère des autres, existeront tant qu’existera l’humanité car l’injustice et l’anarchie font partie de l’esprit même de la société. Flaubert lui-même n’est pas loin de partager une telle vision des choses. Ce n’est qu’après la révolution de 1848 que Flaubert adopte la méthode du réalisme critique.
Madame Bovary, roman en 3 parties, avec le sous-titre Moeurs de province, a paru d’abord en feuilleton dans la Revue de Paris en 1856, puis en volume chez l’éditeur Michel Lévy, à Paris, le 15 avril 1857. C’est le roman le plus réaliste de Flaubert, ainsi que l’Education Sentimentale.
Première partie. Charles Bovary, après de médiocres études, s’est établi comme médecin à Tostes, un village de Normandie, où il a épousé une veuve “laide” et “sèche”. Il rencontre, lors d’une consultation, Emma Rouault, la fille du fermier des Berteaux et, peu de temps après la mort soudaine de sa femme, il épouse la jeune fille. Emma, au contraire de son mari, n’est pas heureuse: cette union ne correspond pas à ses rêves d’adolescente romanesque. Après un bal au château de La Vaubyessard, fugitif mirage de luxe et de bonheur, elle sombre dans une morosité accrue et Charles décide d’aller l’installer à Yonville-l’Abbaye: il espère que la vie dans un gros bourg distraira sa femme, alors enceinte.
Deuxième partie. A Yonville, le couple fait la connaissance du pharmacien Homais et d’un jeune clerc, Léon Dupuis. Une tendre complicité s’installe entre Emma et le jeune homme, mais ce dernier, ne se croyant pas aimé, part terminer son droit à Paris. Emma rencontre ensuite Rodolphe Boulanger, cynique et aristocratique séducteur, dont elle devient la maîtresse. Effrayé par l’ardeur de l’amour qu’il inspire, Rodolphe abandonne brutalement Emma qui pensait fuir avec lui. Plus tard, lors d’une soirée à Rouen, Charles et sa femme retrouvent par hasard Léon.
Troisième partie. Ce dernier est bientôt l’amant d’Emma, qui invente divers prétextes pour le retrouver à Rouen. Sommée par Lheureux, son créancier, de rembourser les multiples dettes qu’elle a contractées, Emma s’empoisonne à l’arsenic. Charles, désespéré et ruiné, meurt, après avoir trouvé dans les papiers de sa femme les preuves de son infidélité.
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Pour raconter ces «Moeurs de provinces », Flaubert accorda une importance particulière à l’analyse psychologique, aux descriptions du décor, généralisant, de façon encore inédite, la technique de la focalisation – la vision des personnages oriente la représentation du monde – l’emploi de l’imparfait et du style indirect libre, mêlés à une impitoyable ironie: «Pauvre petite femme! Ça bâille après l’amour comme une carpe après l’eau sur une table de cuisine ”.
La noirceur du milieu, l’immoralité ou la nullité des personnages, l’apparente neutralité narrative refusant toute norme et toute vérité définitive choquèrent les lecteurs et la censure: Flaubert fut poursuivi pour outrage aux moeurs et à la religion (par ses images voluptueuses mêlées aux choses sacrées). Après un procès retentissant, il fut acquitté le 7 février 1857.
Le scandale du procès rendit vite célèbre le roman. Le succès fut énorme: le 1-er tirage de 6750 exemplaires fut épuisé en 2 mois.
La peinture du milieu provincial, la minutie des détails, ont fait de Madame Bovary l’archétype du réalisme, et plus tard du naturalisme: Emma, le pharmacien Homais, sont devenus des types. L’oeuvre exerça une très grande influence sur les romanciers «réalistes” (Zola, Goncourt, Maupassant). Zola écrit: “ Quand Madame Bovary parut, il y eut toute une révolution littéraire. Il sembla que la formule du roman moderne, éparse dans l’oeuvre colossale de Balzac, venait d’être réduite et clairement énoncée dans les quatre cents pages d’un livre. Le code de l’art nouveau se trouvait écrit » (Les Romanciers naturalistes, 1881).
Contrairement à une légende persistante, Flaubert n’a nulle part écrit: «Madame Bovary, c’est moi! ”. Ni sa Correspondance ni d’autres sources majeures ne mentionnent cette affirmation. On en connaît l’existence par un biographe du début du XX siècle, René Descharmes, auteur de Flaubert avant 1857, qui rapporte une confidence d’une romancière et journaliste rouennaise, correspondante de Flaubert, Amélie Rosquet, selon laquelle l’écrivain lui avait répondu par cette boutade, alors qu’elle lui demandait la source de son personnage.
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En 1862 parut le second roman de Flaubert – Salammbô.
L’action se déroule entre 241 et 237 av.J.-C. dans l’antique Carthage à un des moments les plus critiques de son histoire, pendant l’émeute des troupes. Salammbô, fille d’un des dirigeants de Carthage, doit récupérer le zaïmph, voile sacré de la déesse Tanit, que Mâtho, chef barbare a volé. Elle y parvient en se donnant à lui; mais Mâtho, capturé, torturé par la foule, succombe aux pieds de Salammbô, qui meurt à son tour, bouleversée par le supplice infligé à Mâtho.
Grâce à son souci d’exactitude et de couleur locale pour recréer un milieu disparu, Flaubert a renouvelé le genre du roman historique. Il a préféré à l’analyse psychologique ou à la simple narration la profusion des descriptions, où les détails riches en couleur, les termes techniques rares abondent, avec les métaphores, comme en témoigne le portrait de Salammbô: “ Des tresses de perles attachées à ses tempes descendaient jusqu’aux coins de sa bouche rose comme une grenade entrouverte. Il y avait sur sa poitrine un assemblage de pierres lumineuses, imitant par leur bigarrure les écailles d’une murène » (ch.1).
Salammbô est une oeuvre typique du génie de Flaubert. Le procédé strictement objectif de Flaubert qui consiste à rendre le récit impersonnel sans la moindre digression subjective, le rapproche du procédé de Mérimée dans ses nouvelles.
La publication fit sensation. Les critiques furent virulentes, Flaubert polémiqua avec l’archéologue Froehner qui lui reprocha ses erreurs, ou ses imprécisions, mais son talent fut reconnu. Le public se passionna. Le roman a inspiré plusieurs peintres et plusieurs adaptations musicales, de Moussorgsky (opéra inachevé, 1883), Reyer (opéra créé à Bruxelles en 1890), Florent Schmitt (3 suites d’orchestre tirées de la musique du film de Pierre Marodon, 1925).
Après Salammbô, Flaubert choisit un sujet contemporain. En 1869 parut l’Education sentimentale, l’histoire d’un jeune homme. C’est une peinture de Paris et de la société française entre 1840 et 1852, une étude d’un caractère d’homme (Frédéric Moreau).
Première partie. En 1840, le jeune bachelier Frédéric Moreau aperçoit, sur le bateau qui le mène à sa ville natale de Nogent-sur-Seine, la belle Mme Arnoux dont il tombe immédiatement amoureux; elle est la femme de Jacques Arnoux, un petit bourgeois médiocre et débonnaire. Frédéric retrouve bientôt Deslaurier, son ami de toujours, et les deux jeunes gens évoquent avec enthousiasme leurs projets d’avenir. La première année parisienne de Frédéric, inscrit à la faculté de droit, se déroule dans l’ennui et la pensée de Mme Arnoux, chez laquelle il parvient à se faire introduire par le bohème Hussonnet. En raison de la précarité de sa fortune, le jeune homme se résigne cependant à la vie de province, mais un héritage inespéré lui permet de regagner Paris.
Deuxième partie. Frédéric partage sa vie entre le foyer des Arnoux, la maison d’une lorette nommée Rosanette – qui est la maîtresse d’Arnoux – et, parfois, le salon des Dambreuse, bourgeois riches et influents. Il n’ose déclarer son amour à Mme Arnoux mais devient le confident de ses peines conjugales tout en étant l’ami du mari. Après un duel à propos de Rosanette, Frédéric part pour Nogent. Il y est bientôt considéré comme le fiancé de la jeune Louise Roques qui l’aime et se donne à lui mais, qu’il délaisse pour retourner à Paris. Il avoue enfin son amour à Mme Arnoux, qui le partage mais l’exige platonique; Frédéric devient finalement l’amant de Rosanette.
Troisième partie. Frédéric assiste en spectateur aux événements de 1848 et fréquente de plus en plus assidûment le salon des Dambreuse. Il vit avec Rosanette, qui attend un enfant, et courtise Mme Dambreuse dont il fait sa maîtresse. Le mari de cette dernière meurt et elle propose à Frédéric de l’épouser; il accepte tout en continuant sa vie avec Rosanette, bouleversée par la mort soudaine de leur enfant. Les Arnoux, ruinés, quittent la France et Frédéric, las de Rosanette et de Mme Dambreuse, décide de se marier avec Louise, mais celle-ci a épousé Deslauriers; Frédéric regagne une fois de plus Paris. Bien des années plus tard, en 1867, il reçoit la visite de Mme Arnoux vieillie et tous deux évoquent leur amour avec nostalgie avant de se séparer pour toujours. Frédéric, pas plus que Deslauriers, avec lequel il est réconcillié, n’a su réaliser ses aspirations de jeunesse et il poursuit désormais son existence de “petit bourgeois”.
Mais dans son Education sentimentale, Flaubert ne se borne pas à nous faire voir la vie de ses personnages. Les événements de cette vie se déroulent dans leur cadre social. Flaubert fait un tableau de la vie parisienne des années 1840 jusqu’au coup d’Etat de 1851. Au centre du roman est la révolution de 1848. Les événements révolutionnaires eux-mêmes, Flaubert les dépeint sous un jour sombre, en traduisant ainsi son manque de foi en le sens et le but final des révolutions.
Le roman connut l’échec à cause de l’immobilisme du récit, la mollesse des personnages et la vision pessimiste de l’Histoire. Les critiques furent très dures. Seuls Banville, Zola et George Sand défendirent Flaubert.
Ce roman devint le modèle absolu du roman «moderne », grâce à Zola (Les Romanciers naturalistes), grâce aussi à l’article de Proust «A propos du style de Flaubert » (1920).
En 1874 paraît la dernière rédaction du poème philosophique en prose de Flaubert, intitulé la Tentation de Saint-Antoine, sur lequel il travaillait depuis sa jeunesse. Cette oeuvre en 7 parties échappe aux classifications des genres (ni récit, ni pièce de théâtre, ni poème). Ce texte relate une nuit de Saint Antoine, anachorète retiré sur un mont de la Thébaïde, dans sa volonté de savoir, de vérité et d’absolu, et livré à de multiples tentations prenant la forme d’un défilé, infini et hallucinatoire, de dieux et de rites anciens. C’est aussi la reconstruction d’une civilisation antique, une «exposition dramatique du monde alexandrin au Ier siècle » (Correspondance).
Oeuvre complexe, La Tentation frappe par l’absence apparente de liens logiques, le refus de toute explication. Dialogue, description et récit se succèdent dans un perpétuel mouvement avec une richesse d’image et de détails, mêlant réalisme et fantastique.
En 1877 Flaubert fait paraître ses Trois contes. Le premier de ces récits, intitulé Un Coeur Simple, est écrit dans le même style sobre que Madame Bovary et l’Education sentimentale. Le deuxième et le troisième – Hérodias et la Légende de Saint-Julien l’Hospitalier – sont écrits dans le style pittoresque et riche en couleurs qui caractérise Salammbô et la Tentation de Saint-Antoine. Ainsi Flaubert avait réuni dans un même livre ses deux manières différentes de peindre la vie: “la vie couleur de moisissure” et “la vie couleur de pourpre”. Dès leur parution Hérodias et la Légende de Saint-Julien l’Hospitalier furent magistralement traduites en russe par I.S.Tourguéniev.
Le dernier roman de Flaubert, Bouvard et Pécuchet, resta inachevé et ne fut publié en édition posthume qu’en 1881.
A la différence des Goncourt qui ont multiplié les préfaces-manifestes à leurs romans ou à leurs pièces de théâtre, de Maupassant qui s’est exprimé sur l’art du roman dans de nombreuses chroniques journalistiques ou de Zola qui aimait rédiger des essais théoriques, Flaubert n’a pas produit d’oeuvres spécifiquement consacrées à des questions de poétique littéraire. Cette poétique, on peut la chercher dans les témoignages des contemporains, dans telle ou telle chronique que lui consacra Maupassant, ou chez les Goncourt qui, dans leur Journal, ont recueilli certains de ses «mots ».
La poétique de Flaubert peut aussi se laisser ainsi deviner à travers la satire de l’esthétique romantique, du roman idéaliste ou à thèse, dans le chapitre 5 de Bouvard et Pécuchet ou dans l’évocation critique des lectures d’Emma Bovary. Mais, pour l’essentiel, la poétique de Flaubert se trouve exprimée avec une exceptionnelle précision dans son immense Correspondance. C’est dans son oeuvre épistolaire, et notamment dans les échanges qu’il a entretenus avec d’autres écrivains ou amis fidèles (George Sand, Louise Colet, Ernest Feydeau, Jules Duplon), que Flaubert définit le sens de son travail, ses techniques de recherche et de rédaction, ses goûts et son projet littéraire.
Flaubert était pessimiste et tout pénétré du mal du siècle. Il détestait son époque, trop utilitaire et industrielle à son goût. Il ne cessait de fulminer contre le «bourgeois », en qui il personnifiait toutes les vulgarités de la vie et toutes les sottises de l’humanité.
En protestant contre l’approche purement historique des oeuvres, il ne s’est jamais purgé complètement de son romantisme. Dans Salammbô, dont les détails d’exécution relèvent du réalisme, il est bien évident que la conception générale de l’oeuvre est toute romantique. Flaubert avait vu là une occasion de ressusciter l’Orient antique, tout aveuglant de couleurs et d’ornements, et de peindre avec ivresse de magnifiques batailles. Ce besoin, tout romantique, de fuir son temps et de retourner aux vieilles peuplades endormies, ce goût de la légende, de l’exotisme et de la fantaisie apparaissent encore dans Hérodias et la Légende de Saint-Julien l’Hospitalier.
Selon Flaubert, l’art doit être une reproduction aussi vraie, aussi scientifique que possible de la réalité. L’artiste observe directement la vie de son temps; il se renseigne, sur ce qu’il ne peut observer. C’est pourquoi il attachait aussi une attention toute particulière à l’accumulation de documents, de données d’observation et d’autres matériaux nécessaires pour traiter dans ses ouvrages les questions qui relevaient d’un domaine technique quelconque. Ces données, Flaubert ne les puisait pas seulement dans les ouvrages techniques, mais aussi dans son expérience et dans ses observations personnelles. Ainsi, en travaillant à son roman historique Salammbô, il fit un voyage dans le Nord de l’Afrique pour visiter les environs de Tunis et les ruines de Carthage.
Toutefois, il ne voulait verser dans le pur réalisme. Il croyait que l’art devait embellir et transfigurer la réalité. Il avait l’ivresse de la beauté, plus encore que de la vérité.
D’ailleurs, tous ses personnages sont la vérité même. Ce ne sont pas des types simplifiés, comme en réalisait Balzac; ils sont très complexes et donnent la sensation de la vie, depuis Charles Bovary qui est la platitude faite de l’homme jusqu’au pharmacien Homais, gonflé de vanité, parlant philosophie, science et arts au demeurant honnête homme, obligeant et sympathique.
La préoccupation de Flaubert a toujours été le problème de la forme littéraire. Ses manuscrits nous font voir le soin qu’il apportait à faire et à refaire ses oeuvres en les fignolant à l’infini. Il n’est pas une page que Flaubert n’ait retouchée deux ou trois fois; certaines ont été tournées et retournées de dix à douze fois.
Tout au long de son oeuvre, il a tenté d’approcher au plus près l’idéal d’un style “ qui serait rythmé, comme le rêve, précis comme le langage des sciences, et des ondulations des ronflements de violoncelle, des aigrettes de feu... ».
Flaubert recherchait avant tout la clarté et la logique, mais il voulait aussi que son récit soit expressif et harmonieux. En même temps il cherchait à rendre l’harmonie et la mélodie intérieures. Il affirmait: «Une bonne phrase de prose doit être comme un bon vers, inchangeable, aussi rythmée, aussi sonore ». Il y a une véritable élaboration musicale de la phrase.
Flaubert était pour l’élimination du sentiment personnel dans l’oeuvre, pour l’art tout objectif. Cela ne signifiait pas qu’il ne fallait pas écrire «avec son coeur”. Il voulait seulement que l’auteur ne mît pas sa personnalité en scène et qu’il transposât ses sentiments dans les personnages créés par lui.
Flaubert est aussi connu par sa recherche du détail distinctif et par ses descriptions d’un relief éclatant.
Dans ses oeuvres les dialogues sont souvent réduits au strict minimum et dérivent vers le discours indirect libre: “ La réponse d’Armoux ne variait pas. «Le mieux se continuait », sa femme, avec la petite serait de retour la semaine prochaine » (l’Education sentimentale).
Les frontières entre narration et discours sont floues: “- Monsieur vous attend, madame; la soupe est servie! Et il fallut descendre! il fallut se mettre à table! Elle essaya de manger ” (Madame Bovary, II, XIII).
La description tient souvent lieu d’analyse psychologique – Charles est aussi ridicule que sa casquette, «comme le visage d’un imbécile ».
La rupture ou dissonance de temps est habituelle chez Flaubert. «L’éternel imparfait » (Proust) est ainsi souvent coordonné au passé simple, et permet de “ dessiner l’attitude continuée qui sort d’un acte instantané ” (Thibaudet).
Dans la ponctualité, l’utilisation récurrente du tiret ménage des pauses de souffle. La fréquence des alinéas et de courts paragraphes, notamment dans l’Education sentimentale et les Trois Contes, crée des brisures, des blancs logiques ou chronologiques par lesquels le récit développe une véritable stratégie de l’ellipse.
Toutes ces qualités font de Gustave Flaubert un des maîtres incontestés du réalisme critique.
Répondez aux questions:
1. Le nom de Gustave Flaubert, à quell courant artistique est-il lié?
2. Pourquoi son oeuvre a-t-il suscité un intérêt croissant au XX siècle?
3. Quelles oeuvres constituent le «bagage littéraire » de Gustave Flaubert?
4. Parlez du début de son oeuvre.
5. Quelle est l’intrigue du roman «Madame Bovary »?
6. L’écrivain, à quels procédés a-t-il accordé une importance particulière dans son roman le plus réaliste?
7. Qu’est-ce qui a fait de Madame Bovary l’archétype du réalisme et du naturalisme?
8. Commentez la légende de persistante de «Madame Bovary, c’est moi! ».
9. Caractérisez le roman historique Salammbô de Flaubert.
10. Flaubert, qu’est-ce qu’il a montré dans son roman l’Education sentimentale?
11. En quoi consiste le caractère particulier de la Tentation de Saint-Antoine?
12. A travers quelles particularités se laisse deviner la poétique de Flaubert?
13. Quelle attitude avait-il envers son époque?
14. Comment comprenait-il l’art et ses fonctions?
15. Comment est le style de Flaubert?
Texte 1
LE BAL A LA VAUBYESSARD
Après son mariage avec Charles Bovary, personnage médiocre, borné, dépourvu de tout raffinement, Emma mène une vie terne, pleine d’ennui et de déceptions. Cependant, un jour son existence monotone est brisée par un événement: le marquis d’Andervilliers a invité les époux Bovary à un bal à son château de la Vaubyessard. C’est lors de ce bal qu’Emma va découvrir un monde différent, le monde de ses rêves. Le retour à Tostes, petite ville ou elle habite, n’en sera que plus triste et sombre.
A sept heures, on servit le dîner. Les hommes, plus nombreux, s’assirent à la première table, dans le vestibule, et les dames à la seconde, dans la salle à manger, avec le Marquis et la Marquise.
Emma se sentit, en entrant, enveloppée par un air chaud, mélange du parfum des fleurs et du beau linge, du fumet des viandes et de l’odeur des truffes. Les bougies des candelabres allongeaient des flammes sur les cloches d’argent; les cristaux à facettes, couverts d’une buée mate, se renvoyaient des rayons pâles; des bouquets étaient en ligne sur toute la longueur de la table, et, dans les assiettes à large bordure, les serviettes, arrangées en manière de bonnet d’évêque, tenaient entre le bâillement de leurs deux plis chacune un petit pain de forme ovale. Les pattes rouges des homards dépassaient les plats; de gros fruits dans des corbeilles à jour s’étageaient sur la mousse; les cailles avaient leurs plumes, des fumées montaient; et, en bas de soie, en culotte courte, en cravate blanche, en jabot, grave comme un juge, le maître d’hôtel, passant entre les épaules des convives les plats tout découpés, faisait d’un coup de sa cuiller sauter pour vous le morceau qu’on choisissait. Sur le grand poêle de porcelaine à baguette de cuivre, une statue de femme drapée jusqu’au menton regardait immobile la salle pleine de monde. [...]
On versa du vin de Champagne à la glace. Emma frissonna de toute sa peau en sentant ce froid dans sa bouche. Elle n’avait jamais vu de grenades ni mangé d’ananas. Le sucre en poudre même lui parut plus blanc et plus fin qu’ailleurs.
Les dames, ensuite, montèrent dans leurs chambres s’apprêter pour le bal.
Emma fit sa toilette avec la conscience méticuleuse d’une actrice à son début. Elle disposa ses cheveux d’après les recommendations du coiffeur, et elle entra dans sa robe de barège (1), étalée sur le lit. Le pantalon de Charles le serrait au ventre.
-Les sous-pieds vont me gêner pour danser, dit-il.
- Danser? reprit Emma.
-Oui!
-Mais tu as perdu la tête! On se moquerait de toi, reste à ta place. D’ailleurs, c’est plus convenable pour un médecin, ajouta-t-elle.
Charles se tut. Il marchait de long en large, attendant qu’Emma fût habillée.
Il la voyait par-derrière, dans la glace, entre deux flambeaux. Ses yeux noirs semblaient plus noirs. Ses bandeaux, doucement bombés vers les oreilles, luisaient d’un éclat bleu; une rose à son chignon tremblait sur une tige mobile, avec des gouttes d’eau factices au bout de ses feuilles. Elle avait une robe de safran pâle, relevée par trois bouquets de roses pompon mêlées de verdure.
Charles vint l’embrasser sur l’epaule.
- Laisse-moi! dit-elle, tu me chiffonnes.
On entendit une ritournelle de violon et les sons d’un cor. Elle descendit l’escalier, se retenant de courir.
Les quadrilles étaient commencés. Il arrivait du monde. On se poussait. Elle se plaça près de la porte, sur une banquette.
Quand la contredanse fut finie, le parquet resta libre pour les groupes d’hommes causant debout et les domestiques en livrée qui apportaient de grands plateaux. Sur la ligne des femmes assises, les éventails peints s’agitaient, les bouquets cachaient à demi le sourire des visages, et les flacons à bouchon d’or tournaient dans les mains entrouvertes dont les gants blancs marquaient la forme des ongles et serraient la chair au poignet. Les garnitures de dentelles, les broches de diamants, les bracelets à médaillon frissonnaient aux corsages, scintillaient aux potrines, bruissaient sur les bras nus. Les chevelures, bien collées sur les fronts et tordues à la nuque, avaient, en couronnes, en grappes ou en rameaux, des myosotis, du jasmin, des fleurs de grenadier, des épis ou des bleuets. Pacifiques à leurs places, des mères à figure renfrognée portaient des turbans rouges.
Le coeur d’Emma lui battit un peu lorsque, son cavalier la tenant par le bout des doigts, elle vint se mettre en ligne et attendit le coup d’archet pour partir. Mais bientôt l’émotion disparut; et, se balançant au rythme de l’orchestre, elle glissait en avant, avec des mouvements légers du cou. Un sourire lui montait aux lèvres à certaines délicatesses du violon, qui jouait seul, quelquefois, quand les autres instruments se taisaient; on entendait le bruit clair des louis d’or qui se versaient à côté, sur le tapis des tables; puis tout reprenait à la fois, le cornet à pistons lançait un éclat sonore, les pieds retombaient en mesure, les jupes se bouffaient et frôlaient, les mains se donnaient, se quittaient; les mêmes yeux, s’abaissant devant vous, revenaient se fixer sur les vôtres [...]
L’air du bal était lourd, les lampes pâlissaient. On refluait dans la salle billard. Un domestique monta sur une chaise et cassa deux vitres; au bruit des éclats de verre, madame Bovary tourna la tête et aperçut dans le jardin, contre les carreaux, les faces de paysans qui regardaient. Alors le souvenir des Bertaux (2) lui arriva. Elle revit la ferme, la mare bourbeuse, son père en blouse sous les pommiers, et elle se revit elle-même, comme autrefois, écrémant avec son doigt les terrines de lait dans la laiterie. Mais, aux fulgurations de l’heure présente, sa vie passée, si nette jusqu’alors, s’évanouissait tout entière, et elle doutait presque de l’avoir vécue. Elle était là; puis autour du bal, il n’y avait plus que de l’ombre, étalée sur tout le reste. Elle mangeait alors une glace au marasquin (3), qu’elle tenait de la main gauche dans une coquille de vermeil (4), et fermait à demi les yeux, la cuiller entre les dents [...]
La nuit etait noire. Quelques gouttes de pluie tombaient. Elle aspira le vent humide qui lui rafraîchissait les paupières, La musique du bal bourdonnait encore à ses oreilles, et elle faisait des efforts pour se tenir éveillée, afin de prolonger l’illusion de cette vie luxueuse qu’il lui faudrait tout à l’heure abandonner.
Le petit jour parut. Elle regarda les fenêtres du château, longuement, tâchant de deviner quelles étaient les chambres de tous ceux qu’elle avait remarqués la veille. Elle aurait voulu savoir leur existences, y pénétrer, s’y confondre.
Mais elle grelottait de froid. Elle se déshabilla et se blottit entre les draps, contre Charles qui dormait [...]
La journée fut longue, le lendemain! Elle se promena dans son jardinet, passant et revenant par les mêmes allées [...] Comme le bal lui semblait deja loin! Qui donc écartait, à tant de distance, le matin d’avant-hier et le soir d’aujourd’hui? Son voyage à la Vaubyessard avait fait un trou dans sa vie, à la manière de ces grandes crevasses qu’un orage, en une seule nuit, creuse quelquefois dans les montagnes. Elle se résigna pourtant; elle serra pieusement dans la commode sa belle toilette et jusqu’à ses souliers de satin, dont la semelle s’etait jaunie à la cire glissante du parquet. Son coeur était comme eux: au frottement de la richesse, il s’était placé dessus quelque chose qui ne s’effacerait pas.
СOMMENTAIRES
Barège (m) – sorte d’étoffe
Bertaux – la ferme du père d’Emma
Marasquin – liqueur de cerise
Vermeil (m) – argent doré dont la couleur tire sur le rouge
ETUDE DU TEXTE
1. Comment se réalise la technique de focalisation de Flaubert dans le texte étudié? Observez le déplacement du foyer de la perception à travers l’extrait. (par qui est perçue la table décrite dans le premier paragraphe? par qui Emma est-elle vue elle-même dans sa toilette de bal?) Analysez de ce point de vue l’ensemble du texte.
2. Quel rôle joue la description dans le texte?
a) Etudiez l’art de l’écrivain avec lequel la table est décrite. Comment l’atmosphère solennelle est-elle soulignée?
b) Analysez le passage décrivant le groupe de femmes. Quels sont les procédés stylistiques employés par l’auteur pour évoquer leur émotion? Quel détail satirique avez-vous remarqué?
c) Observez les différentes tonalités du texte (étudiez la description du groupe de femmes, le souvenir des Bertaux).
d) Etudiez les procédés stylistiques qui contribuent à créer l’atmosphère de la «vie luxueuse », des «fulgurations de l’heure présente » vécues par Emma dont elle a envie de «prolonger l’illusion ».
e) Analysez les verbes dans le passage de la danse d’Emma. Commentez l’art avec lequel l’auteur traduit le mouvement.
f) Parlez des sentiments d’Emma avant, pendant et après le bal. Comment l’auteur procède-t-il pour traduire ses sentiments?
3. Qu’est-ce que les brèves répliques qu’échangent Charles et Emma pendant qu’ils font leur toilette nous révèlent sur leur relations?
4. Quel est le rôle de l’épisode ou Emma se souvient des Bertaux?
5. Qu’est-ce que la visite à la Vaubyessard est devenue pour Emma? Commentez l’emploi de l’adverbe «pieusement » dans la phrase: «...elle serra pieusement dans la commode... »
6. Flaubert, grâce à quels moyens réussit-il à faire la peinture du milieu provincial de son époque?
7. Il est de notoriété générale que Flaubert fulminait contre «le bourgeois ». Comment cette attitiude de l’écrivain se manifeste-t-elle dans le texte?
8. Peut-on dire que les épisodes analysés se caractérisent par la précision du style et la recherche des détails distinctifs, ce qui est typique du style de Flaubert?
9. Qu’est-ce qui permet de parler du caractère psychologique du roman?
10. Etudiez le dernier paragraphe de l’extrait ou le style indirect libre s’entremêle de narration. Distinguez les phrases appartenant à Emma de celles du narrateur. Quel est le rôle des phrases exclamatives et de la question rhétorique?
11. Relevez dans le texte les mots et les expressions se rapportant au domaine de la musique. Commentez leur rôle dans le texte.
12. G.Flaubert considérait que la prose devait avoir les qualités d’un bon vers, être «aussi rythmée, aussi sonore », ce trait distingue souvent la fin des paragraphes. G.Flaubert appréciait beaucoup le rythme ternaire. Analysez, par exemple, la phrase suivante: «Les garnitures de dentelles, les broches de diamants, les bracelets à médaillon frissonnaient aux corsages, scintillaient aux poitrines, bruissaient sur les bras nus ». Trois sujets qui sont exprimés par des groupes nominaux semblables sont suivis de trois prédicats exprimés par des verbes qui, employés à l’imparfait, ont les terminaisons identiques: frissonnaient, scintillaient, bruissaient. Les deux premiers verbes ont, en plus, trois syllabes chacun, ce qui contribue à créer un rythme particulier et une sonorité propres aux vers.
Observez le rythme dans les passages suivants: la description de la table; la danse d’Emma avec son cavalier. Analysez les phrases suivantes: «L’air du bal était lourd, les lampes pâlissaient »; «Qui donc écartait, à tant de distance, le bal d’avant-hier et le soir d’aujourd’hui? »
EXERCICES
I. Traduisez:
Эмма Бовари, будучи замужем за весьма посредственным человеком, вела унылую жизнь, полную разочарований. Бал в замке маркиза стал для неё целым событием. Многочисленные гости, запах и вид изысканных блюд, пламя свечей, вся обстановка залов так впечатлили Эмму, что она вся дрожала.
Эмма готовилась к балу очень тщательно: она уложила волосы, надела платье, стараясь не помять его. Шарль ходил взад и вперёд, ожидая, пока его жена оденется. Он собирался танцевать, но, по мнению Эммы, это было неприлично для врача.
При первых звуках музыки сердце Эммы забилось. Она с трудомсдерживалась, чтобы не побежать. Эмма вошла в зал. Волосы её отливалисиневой, платье было отделано букетом. В ряду сидевших дам колыхались веера, украшения трепетали на корсажах, бриллианты искрились на груди.
На следующий день музыка ешё звучала в ушах Эммы. Но она уже смирилась с тем, что должна позабыть роскошную жизнь, увиденную в замке маркиза.
II. Traduisez en russe les deux premiers paragraphes du texte. Essayez de faire une traduction littéraire.
III. Dites autrement:
1.Les dames s’apprêtaient pour le bal. 2. Elle disposa ses cheveux d’après les recommendations du coiffeur. 4. Elle entra dans sa robe. 5. Il marchait de long en large attendant qu’Emma fût habillée. 6. On lui a chiffonné la robe. Il faut la repasser. 7. Les cheveux d’Emma luisaient à la lueur des chandelles. 8. Emma frissonna en sentant le froid du Champagne dans sa bouche. 9. La robe de madame Bovary était relevée par trois bouquets de roses. 10. Les broches de diamants, les bracelets à medaillon scintillaient aux poitrines. 11. Emma faisait des efforts pour se tenir éveillée. 12. Sa vie précédente, si nette jusqu’alors, s’évanouissait toute entière.
IV. Quels types de coiffures voyons-nous dans le texte? Que signifient les expressions: porter les cheveux en bandeaux, les cheveux tordus à la nuque; les cheveux dénoués; les cheveux avec une raie au milieu (sur le côté); la coiffure à chignon?
Quelles coiffures porte-t-on aujourd’hui? Quel genre de coiffure préférez-vous?
Donnez des équivalents russes: avoir la coupe en brosse; les cheveux en queue de cheval, avoir des nattes, porter une frange; la coiffure à la garçonne; avoir les cheveux ondulés.
V. Quels types de bonnets portait-on à l’époque qui est décrite dans le texte? Comment dit-on en français: цилиндр,шляпа с перьями, меховая шляпа, соломенная шляпа?
Que signifient les expressions suivantes: le bonnet phrygien; le bonnet d’âne; être triste comme un bonnet de nuit; c’est blanc bonnet et bonnet blanc; un gros bonnet?
Choisissez parmi les expressions ci-dessus celles qui conviennent pour remplacer les points:
1 «La coiffure antique attribuée à l’image de la liberté, de la République » et symbolisant l’esprit révolutionnaire de 1789 s’appelle... 2. L’expression... a apparu probablement a l’époque où la coutume de porter un bonnet pour dormir s’est réduite aux personnes âgées, les porteurs de bonnets ne pouvant plus être que des vieillards ennuyeux. 3. Un personnage important, influent est souvent appelé... 4. Bonnet à deux pointes figurant les oreilles de l’âne symbolisant la sottise dont on affublait les cancres est appelé... 5.Tu dis que j’ai tort et moi, je dis que tu as raison. C’est...
VI. Choisissez la bonne variante:
1. Le danseur a glissé /s’est glissé sur le parquet ciré et faillit tomber.
2. Emma grelottait de froid, elle se déshabilla et glissa/se glissa dans ses draps.
3. Le garcon a glissé/s’est glissé dans sa chambre sans se faire remarquer.
4. Madame Bovary glissait/se glissait en avant avec des mouvements légers du cou.
VIII. Remplacez les pointillés par les articles ou les prépositions convenables:
1. Les bougies des candelabres allongeaient... flammes sur les cloches... argent; les cristaux... facettes se renvoyaient... rayons pâles. 2. Emma n’avait jamais vu... grenades ni mangé... ananas. 3. Les cheveux noirs d’Emma luisaient de... éclat bleu. 4. Quand la contredanse fut finie, le parquet resta libre pour les groupes... hommes causant debout et les domestiques apportant... grands plateaux. 5. Emma vint se mettre... ligne et attendait... coup d’archet pour partir. 6. La musique du bal bourdonnait encore... ses oreilles. 7. Au bruit des éclats de verre, madame Bovary tourna la tête et aperçut dans... jardin... faces... paysans qui regardaient.
Texte 2
LES RENCONTRES DE FREDERIC ET DE MADAME ARNOUX
L’extrait qui suit représente la première et la dernière rencontre de Frédéric, personnage principal du roman «Education sentimentale », et de Mme Arnoux, la femme qu’il aime. Vingt-sept ans séparent ces deux événements. Au début du roman,en1840, Frédéric Moreau, un bachelier de 18 ans, voit sur le bateau qui le mène à sa ville natale de Nogent –sur- Seine, Mme Arnoux. Elle est la femme de Jacques Arnoux, marchand de tableaux. Le jeune homme dit à Mme Arnoux quelques mots, échange avec elle un regard: c'est le coup de foudre. Cette rencontre a marqué toute sa vie.
Ce fut comme une apparition:
Elle était assise, au milieu du banc, toute seule; ou du moins il ne distingua personne, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu’il passait, elle leva la tête; il fléchit involontairement les épaules; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda.
Elle avait un large chapeau de paille, avec des rubans roses, qui palpitaient au vent, derrière elle. Ses bandeaux noirs, contournant la pointe de ses grands sourcils, descendaient tres bas et semblaient presser amoureusement l’ovale de sa figure. Sa robe de mousseline claire, tachetée de petits pois, se répandait à plis nombreux. Elle était en train de broder quelque chose; et son nez droit, son menton, toute sa personne se découpait sur le fond de l’air bleu.
Comme elle gardait la même attitude, il fit plusieurs tours de droite et de gauche pour dissimuler sa manoeuvre; puis il se planta tout près de son ombrelle, posée contre le banc, et il affectait d’observer une chaloupe sur la rivière.
Jamais il n’avait vu cette splendeur de sa peau brune, la séduction de sa taille, ni cette finesse des doigts que la lumière traversait. Il considérait son panier à ouvrage avec ébahissement, comme une chose extraordinaire. Quels étaient son nom, sa demeure, sa vie, son passé? Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu’elle avait portées, les gens qu’elle fréquentait; et le désir de la possession physique même disparaissait sous une envie plus profonde, dans une curiosité douloureuse qui n’avait pas de limites.
Une négresse, coiffée d’un foulard, se présenta en tenant par la main une petite fille déjà grande. L’enfant, dont les yeux roulaient des larmes, venait de s’éveiller. Elle la prit sur ses genoux: «Mademoiselle n’était pas sage, quoiqu’elle eût sept ans bientôt; sa mère ne l’aimerait plus; on lui pardonnait trop ses caprices. » Et Frédéric se réjouissait d’entendre ces choses, comme s’il eût fait une découverte, une acquisition.
Il la supposait d’origine andalouse, créole peut-être; elle avait ramené des îles cette négresse avec elle.
Cependant, un long châle à bandes violettes etait placé derrière son dos, sur le bordage de cuivre. Elle avait dû, bien des fois, au milieu de la mer, durant les soirs humides, en envelopper sa taille, s’en couvrir les pieds, dormir dedans! Mais, entraîné par les franges, il allait tomber dans l’eau; Frédéric fit un bond et le rattrapa. Elle lui dit:
- Je vous remercie, monsieur.
Leurs yeux se rencontrèrent.
- Ma femme, es-tu prête? cria le sieur Arnoux, apparaissant dans le capot de l’escalier.
Il voyagea.
Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues.
Il revint.
Il fréquenta le monde et il eut d’autres amours encore. Mais le souvenir continuel du premier les lui rendait insipides; et puis la véhémence du désir, la fleur même de la sensation était perdue. Ses ambitions d’esprit avaient également diminué. Des années passèrent; et il supportait le désoeuvrement de son intelligence et l’inertie de son coeur.
Vers la fin de mars 1876, à la nuit tombante, comme il était seul dans son cabinet, une femme entra.
- Madame Arnoux!
- Frédéric!
Elle le saisit par les mains, l’attira doucement vers la fenêtre et elle le considérait tout en répétant:
- C’est lui! C’est donc lui!
Dans la pénombre du crépuscule, il n’apercevait que ses yeux sous la voilette de dentelle noire qui masquait sa figure. Puis elle se mit à regarder les meubles, les bibelots, les cadres, avidement, pour les emporter dans sa mémoire.
Elle avoua qu’elle désirait faire un tour à son bras, dans les rues.
Ils sortirent. La lueur des boutiques éclairait, par intervalles, son profile pâle; puis l’ombre l’enveloppait de nouveau; et, au milieu des voitures, de la foule et du bruit, ils allaient sans se distraire d’eux-mêmes, sans rien entendre, comme ceux qui marchent ensemble dans la campagne, sur un lit de feuilles mortes.
Elle soupira; et, après un long silence:
- N’importe, nous nous serons bien aimés.
- Sans nous appartenir, pourtant!
- Cela vaut mieux, reprit-elle.
- Non! non! Quel bonheur nous aurions eu!
- Oh! je le crois, avec un amour comme le vôtre!
Et il devait être bien fort pour durer après une séparation si longue!
Frédéric lui demanda comment elle l’avait découvert.
- C’est un soir que vous m’avez baisé le poignet, entre le gant et la manchette.
Je me suis dit: «Mais il m’aime... il m’aime. » J’avais peur de m’en assurer, cependant. Votre réserve etait si charmante, que j’en jouissais comme d’un hommage involontaire et continu.
Il ne regretta rien. Ses souffrances d’autrefois étaient payées.
Quand ils rentrèrent, Mme Arnoux ôta son chapeau. La lampe, posée sur une console, éclaira ses cheveux blancs. Ce fut comme un heurt en pleine poitrine.
Pour lui cacher cette déception, il se posa par terre à genoux, et, prenant ses mains, se mit à lui dire des tendresses.
- Votre personne, vos moindres mouvements me semblaient avoir dans le monde, une importance extra-humaine. Mon coeur, comme de la poussière, se soulevait derrière vos pas. Vous me faisiez l’effet d’un clair de lune par une nuit d’été, quand tout est parfums, ombres douces, blancheurs, infini; et les délices de la chair et de l’âme étaient contenues pour moi dans votre nom que je me répétais en tâchant de le baiser sur mes lèvres. Je n’imaginais rien au-delà. C’était Mme Arnoux, telle que vous étiez avec deux enfants, tendre, sérieuse, belle à éblouir, et si bonne! Cette image-là égayait toutes les autres. Est-ce que j’y pensais, seulement! puisque j’avais toujours au fond de moi-même la musique de votre voix et la splendeur de vos yeux!
Elle acceptait avec ravissement ces adorations pour la femme qu’elle n’était plus. Frédéric se grisait par ses paroles, arrivait à croire ce qu’il disait. Mme Arnoux, le dos tourné à la lumiere, se penchait vers lui. Il sentait sur son front la caresse de son haleine, à travers ses vêtements le contact indécis de tout son corps. Leurs mains se serrèrent; la pointe de sa bottine s’avançait un peu sous sa robe et il lui dit, presque défaillant:
- La vue de votre pied me trouble.
Un mouvement de pudeur la fit se lever. Puis, immobile, et avec l’intonation singulière des somnambules:
- A mon âge! Lui! Frédéric!... Aucune n’a jamais ete aimée comme moi! Non, non! à quoi me sert d’être jeune? Je m’en moque bien! je les méprise, toutes celles qui viennent ici!
- Oh! il n’en vient guère! reprit-il complaisamment.
Son visage s’épanouit, et elle voulut savoir s’il se marierait.
Il jura que non.
- Bien sûr? Pourquoi?
- A cause de vous, dit Frédéric en la serrant dans ses bras.
Elle y restait, la taille en arrière, la bouche entr’ouverte, les yeux levés. Tout à coup elle le repoussa avec un air de désespoir; et comme il la suppliait de lui répondre, elle dit en baissant la tête:
- j’aurais voulu vous rendre heureux.
Frédéric soupçonna Mme Arnoux d’être venue pour s’offrir; et il était repris par une convoitise plus forte que jamais, furieuse, enragée. Cependant, il sentait quelque chose d’inexprimable, une répulsion, et comme l’effroi d’un inceste. Une autre crainte l’arrêta, celle d’en avoir le dégoût plus tard. D’ailleurs quel embarras ce serait! et tout à la fois par prudence et pour ne pas dégrader son idéal, il tourna sur ses talons et se mit à faire une cigarette.
Elle le contemplait, toute émerveillée.
- Comme vous êtes délicat! Il n’y a que vous! Il n’y a que vous!
Onze heures sonnèrent.
- Déjà! dit-elle; au quart, je m’en irai.
Elle se rassit; mais elle observait la pendule, et il continuait à marcher en fumant. Tous les deux ne trouvaient plus rien à se dire. Il y a un moment, dans les séparations, où la personne aimée n’est plus déjà avec nous.
Enfin, l’aiguille ayant dépassé les vingt-cinq minutes, elle prit son chapeau par les brides, lentement.
- Adieu, mon ami, mon cher ami! Je ne vous reverrai jamais! C’était ma dernière démarche de femme. Mon âme ne vous quittera pas. Que toutes les bénédictions du ciel soient sur vous!
Et elle le baisa au front comme une mère.
Mais elle parut chercher quelque chose, et lui demanda des ciseaux.
Elle défit son peigne; tous ses cheveux blancs tombèrent.
Elle s’en coupa, brutalement, à la racine, une longue mèche.
- Gardez-les! adieu!
Quand elle fut sortie, Frédéric ouvrit sa fenêtre. Mme Arnoux, sur le trottoir, fit signe d’avancer à un fiacre qui passait. Elle monta dedans. La voiture disparut.
Et se fut tout.
ETUDE DU TEXTE
1. Comment pourriez-vous définir la tonalité de la première partie du texte? De la deuxième? Comparez-les.
2. Etudiez le portrait de Mme Arnoux dans la première partie. Qu’est-ce qui permet d’affirmer que la jeune femme est vue par les yeux de Frédéric?
3. Le jeune homme tombe amoureux de Mme Arnoux, il a le coup de foudre. Faites une liste d’associations que vous inspire l’expression «le coup de foudre ». Analysez-les.
4. Etudiez le lexique de la première partie. Pouvez-vous trouver des éléments lexicaux qui pourraient figurer sur votre liste?
5. Commentez l’épisode du châle. Regardez cet objet du point de vue du personnage de Frédéric: qu’est-ce qu’il représente pour lui?
6. Quels sont les détails qui évoquent la beauté, l’énigme, l’attrait que Mme Arnoux représente pour Frédéric?
7. Qu’est-ce qu-il y a de changé en Frédéric pendant la dernière rencontre par rapport à la première partie?
8. Quel était, à votre avis, le but de la visite de Mme Arnoux?
9. Quels sentiments Frédéric éprouve-t-il pendant cette visite? Est-ce la déception, l’amertume, a-t-il des regrets, des hésitations, des souffrances? Comment l’auteur s’y prend-il pour le faire sentir au lecteur?
10. Quels sont les sentiments de Mme Arnoux? Argumentez votre point de vue.
11. Analysez le passage où Frédéric «se met à lui dire des tendresses ». Qu’est-ce qui rend ce passage poétique? Est-ce que cela ressemble à une déclaration d’amour?
12. Quel est, selon vous, le point culminant émotionnel de la rencontre? Qu’est-ce qui vous permet de faire cette conclusion?
13. Observez l’art avec lequel l’auteur traduit l’état psychologique des personnages. Relevez les détails qui rendent le récit si véridique.
14. L’auteur, réussit-il à rester absent à travers tout le texte? Observez la polyphonie des voix dans l’extrait.
15. Quelle est, selon vous, la valeur symbolique du geste de Mme Arnoux qui laisse à Frédéric une mèche de ses cheveux?
16. Comment voyez-vous le personnage principal d’après l’extrait étudié?
17. Mme Arnoux, vous paraît-elle digne de l’amour idéal de Frédéric?
18. Etes-vous d’accord avec l’idée que Frédéric a échoué en restant fidèle à sa conception idéaliste de l’amour?
EXERCICES
I. Traduisez:
Фредерик впервые увидел госпожу Арну на пароходе. Её стройный силуэт вырисовывался на фоне голубого неба. Фредерик был ослеплён её красотой: восхитительная кожа, блеск глаз, изящные руки.
Он несколько раз прошёлся взад и вперёд, притворяясь, как будто следит за лодкой на реке, затем остановился рядом с молодой женщиной. Фредерик с изумлением смотрел на госпожу Арну. Его любопытству не было предела: кто эта женщина, откуда она?
Заметив, что шаль госпожи Арну могла упасть в воду, Фредерик подхватил её. Молодая женщина поблагодарила его. Фредерик полюбил госпожу Арну с первого взгляда.
II. Remplacez les expressions mises en italique par une des expressions suivantes ayant le même sens: récompensé(e); considérer; fade; ravi(e); enchantement(m); dissimuler; retenue(f); ardeur(f)
1.Il fit plusieurs tours de droite et de gauche pour cacher sa manoeuvre. 2. Il eut d’autres amours, mais le souvenir continuel du premier les lui rendait insipides. 3. Elle le contemplait, toute émerveillée. 4. Elle acceptait avec ravissement ces adorations pour la femme qu’elle n’était plus. 5.La véhémence du désir, la fleur même de la sensation etait perdue. 6. Votre réserve était si charmante que j’en jouissais comme d’un hommage involontaire et continu. 7. Il ne regretta rien. Ses souffrances d’autrefois étaient payées.
III. Traduisez en employant le vocabulaire suivant: s’étourdir; s’arracher à l’inertie, à la mélancolie; l’amertume.
Вот уже несколько месяцев он не мог выйти из состояния апатии и тоски. Хотелось забыться, стереть из памяти волнения, заботы. Он с горечью подумал: какая несправедливость судьбы! Казалось, разочарования и отчаяние остались в прошлом. Но жизнь готовила ему новые испытания.
IV. Comment exprime-t-on la tristesse? Voici quelques expressions courantes: avoir du chagrin; être consterné; avoir le moral à zéro (ne pas avoir le moral); être déprimé; avoir des idées noir