Картина неизвестного художника 7 глава




 

— Avez-vous observé que maints cercueils de vieilles

Sont presque aussi petits que celui d'un enfant?

La mort savante met dans ces bières pareilles

Un symbole d'un goût bizarre et captivant,

 

Et lorsque j'entrevois un fantôme débile

Traversant de Paris le fourmillant tableau,

Il me semble toujours que cet être fragile

S'en va tout doucement vers un nouveau berceau;

 

À moins que, méditant sur la géométrie,

Je ne cherche, à l'aspect de ces membres discords,

Combien de fois il faut que l'ouvrier varie

La forme d'une boîte où l'on met tous ces corps.

 

— Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes,

Des creusets qu'un métal refroidi pailleta…

Ces yeux mystérieux ont d'invincibles charmes

Pour celui que l'austère Infortune allaita!

 

 

II

De Frascati défunt Vestale enamourée;

Prêtresse de Thalie, hélas! Dont le souffleur

Enterré sait le nom; célèbre évaporée

Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,

 

Toutes m'enivrent! Mais parmi ces êtres frêles

Il en est qui, faisant de la douleur un miel,

Ont dit au Dévouement qui leur prêtait ses ailes:

Hippogriffe puissant, mène-moi jusqu'au ciel!

 

L'une, par sa patrie au malheur exercée,

L'autre, que son époux surchargea de douleurs,

L'autre, par son enfant Madone transpercée,

Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs!

 

 

III

Ah! Que j'en ai suivi de ces petites vieilles!

Une, entre autres, à l'heure où le soleil tombant

Ensanglante le ciel de blessures vermeilles,

Pensive, s'asseyait à l'écart sur un banc,

 

Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre,

Dont les soldats parfois inondent nos jardins,

Et qui, dans ces soirs d'or où l'on se sent revivre,

Versent quelque héroïsme au cœur des citadins.

 

Celle-là, droite encor, fière et sentant la règle,

Humait avidement ce chant vif et guerrier;

Son œil parfois s'ouvrait comme œil d'un vieil aigle;

Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier!

 

 

IV

Telles vous cheminez, stoïques et sans plaintes,

À travers le chaos des vivantes cités,

Mères au cœur saignant, courtisanes ou saintes,

Dont autrefois les noms par tous étaient cités.

 

Vous qui fûtes la grâce ou qui fûtes la gloire,

Nul ne vous reconnaît! Un ivrogne incivil

Vous insulte en passant d'un amour dérisoire;

Sur vos talons gambade un enfant lâche et vil.

 

Honteuses d'exister, ombres ratatinées,

Peureuses, le dos bas, vous côtoyez les murs;

Et nul ne vous salue, étranges destinées!

Débris d'humanité pour l'éternité mûrs!

 

Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille,

Œil inquiet, fixé sur vos pas incertains,

Tout comme si j'étais votre père, ô merveille!

Je goûte à votre insu des plaisirs clandestins:

 

Je vois s'épanouir vos passions novices;

Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus;

Mon cœur multiplié jouit de tous vos vices!

Mon âme resplendit de toutes vos vertus!

 

Ruines! Ma famille! Ô cerveaux congénères!

Je vous fais chaque soir un solennel adieu!

Où serez-vous demain, Èves octogénaires,

Sur qui pèse la griffe effroyable de Dieu?

 

русский

 

XCII

LES AVEUGLES

 

 

Contemple-les, mon âme; ils sont vraiment affreux!

Pareils aux mannequins; vaguement ridicules;

Terribles, singuliers comme les somnambules;

Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux.

 

Leurs yeux, d'où la divine étincelle est partie,

Comme s'ils regardaient au loin, restent levés

Au ciel; on ne les voit jamais vers les pavés

Pencher rêveusement leur tête appesantie.

 

Ils traversent ainsi le noir illimité,

Ce frère du silence éternel. Ô cité!

Pendant qu'autour de nous tu chantes, ris et beugles,

 

Éprise du plaisir jusqu'à l'atrocité,

Vois! Je me traîne aussi! Mais, plus qu'eux hébété,

Je dis: Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles?

 

русский

 

XCIII

À UNE PASSANTE

 

 

La rue assourdissante autour de moi hurlait.

Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

Une femme passa, d'une main fastueuse

Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;

 

Agile et noble, avec sa jambe de statue.

Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,

Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,

La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

 

Un éclair… Puis la nuit! — Fugitive beauté

Dont le regard m'a fait soudainement renaître,

Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?

 

Ailleurs, bien loin d'ici! Trop tard! jamais peut-être!

Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,

Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!

 

русский

 

XCIV

LE SQUELETTE LABOUREUR

 

I

Dans les planches d'anatomie

Qui traînent sur ces quais poudreux

Où maint livre cadavéreux

Dort comme une antique momie,

 

Dessins auxquels la gravité

Et le savoir d'un vieil artiste,

Bien que le sujet en soit triste,

Ont communiqué la Beauté,

 

On voit, ce qui rend plus complètes

Ces mystérieuses horreurs,

Bêchant comme des laboureurs,

Des Écorchés et des Squelettes.

 

 

II

De ce terrain que vous fouillez,

Manants résignés et funèbres,

De tout l'effort de vos vertèbres,

Ou de vos muscles dépouillés,

 

Dites, quelle moisson étrange,

Forçats arrachés au charnier,

Tirez-vous, et de quel fermier

Avez-vous à remplir la grange?

 

Voulez-vous (d'un destin trop dur

Épouvantable et clair emblème!)

Montrer que dans la fosse même

Le sommeil promis n'est pas sûr;

 

Qu'envers nous le Néant est traître;

Que tout, même la Mort, nous ment,

Et que sempiternellement,

Hélas! Il nous faudra peut-être

 

Dans quelque pays inconnu

Écorcher la terre revêche

Et pousser une lourde bêche

Sous notre pied sanglant et nu?

 

русский

 

XCV

LE CRÉPUSCULE DU SOIR

 

 

Voici le soir charmant, ami du criminel;

Il vient comme un complice, à pas de loup; le ciel

Se ferme lentement comme une grande alcôve,

Et l'homme impatient se change en bête fauve.

 

Ô soir, aimable soir, désiré par celui

Dont les bras, sans mentir, peuvent dire: Aujourd'hui

Nous avons travaillé! - c'est le soir qui soulage

Les esprits que dévore une douleur sauvage,

Le savant obstiné dont le front s'alourdit,

Et l'ouvrier courbé qui regagne son lit.

Cependant des démons malsains dans l'atmosphère

S'éveillent lourdement, comme des gens d'affaire,

Et cognent en volant les volets et l'auvent.

À travers les lueurs que tourmente le vent

La Prostitution s'allume dans les rues;

Comme une fourmilière elle ouvre ses issues;

Partout elle se fraye un occulte chemin,

Ainsi que l'ennemi qui tente un coup de main;

Elle remue au sein de la cité de fange

Comme un ver qui dérobe à l'Homme ce qu'il mange.

On entend çà et là les cuisines siffler,

Les théâtres glapir, les orchestres ronfler;

Les tables d'hôte, dont le jeu fait les délices,

S'emplissent de catins et d'escrocs, leurs complices,

Et les voleurs, qui n'ont ni trêve ni merci,

Vont bientôt commencer leur travail, eux aussi,

Et forcer doucement les portes et les caisses

Pour vivre quelques jours et vêtir leurs maîtresses.

 

Recueille-toi, mon âme, en ce grave moment,

Et ferme ton oreille à ce rugissement.

C'est l'heure où les douleurs des malades s'aigrissent!

La sombre Nuit les prend à la gorge; ils finissent

Leur destinée et vont vers le gouffre commun;

L'hôpital se remplit de leurs soupirs. — Plus d'un

Ne viendra plus chercher la soupe parfumée,

Au coin du feu, le soir, auprès d'une âme aimée.

 

Encore la plupart n'ont-ils jamais connu

La douceur du foyer et n'ont jamais vécu!

 

русский

 

XCVI

LE JEU

 

 

Dans des fauteuils fanés des courtisanes vieilles,

Pâles, le sourcil peint, œil câlin et fatal,

Minaudant, et faisant de leurs maigres oreilles

Tomber un cliquetis de pierre et de métal;

 

Autour des verts tapis des visages sans lèvre,

Des lèvres sans couleur, des mâchoires sans dent,

Et des doigts convulsés d'une infernale fièvre,

Fouillant la poche vide ou le sein palpitant;

 

Sous de sales plafonds un rang de pâles lustres

Et d'énormes quinquets projetant leurs lueurs

Sur des fronts ténébreux de poètes illustres

Qui viennent gaspiller leurs sanglantes sueurs;

 

Voilà le noir tableau qu'en un rêve nocturne

Je vis se dérouler sous mon œil clairvoyant.

Moi-même, dans un coin de l'antre taciturne,

Je me vis accoudé, froid, muet, enviant,

 

Enviant de ces gens la passion tenace,

De ces vieilles putains la funèbre gaieté,

Et tous gaillardement trafiquant à ma face,

L'un de son vieil honneur, l'autre de sa beauté!

 

Et mon cœur s'effraya d'envier maint pauvre homme

Courant avec ferveur à l'abîme béant,

Et qui, soûl de son sang, préférerait en somme

La douleur à la mort et l'enfer au néant!

 

русский

 

XCVII

DANSE MACABRE

 

À Ernest Christophe.

 

 

Fière, autant qu'un vivant, de sa noble stature,

Avec son gros bouquet, son mouchoir et ses gants,

Elle a la nonchalance et la désinvolture

D'une coquette maigre aux airs extravagants.

 

Vit-on jamais au bal une taille plus mince?

Sa robe exagérée, en sa royale ampleur,

S'écroule abondamment sur un pied sec que pince

Un soulier pomponné, joli comme une fleur.

 

La ruche qui se joue au bord des clavicules,

Comme un ruisseau lascif qui se frotte au rocher,

Défend pudiquement des lazzi ridicules

Les funèbres appas qu'elle tient à cacher.

 

Ses yeux profonds sont faits de vide et de ténèbres,

Et son crâne, de fleurs artistement coiffé,

Oscille mollement sur ses frêles vertèbres,

Ô charme d'un néant follement attifé!

 

Aucuns t'appelleront une caricature,

Qui ne comprennent pas, amants ivres de chair,

L'élégance sans nom de l'humaine armature.

Tu réponds, grand squelette, à mon goût le plus cher!

 

Viens-tu troubler, avec ta puissante grimace,

La fête de la Vie? Ou quelque vieux désir,

Éperonnant encor ta vivante carcasse,

Te pousse-t-il, crédule, au sabbat du Plaisir?

 

Au chant des violons, aux flammes des bougies,

Espères-tu chasser ton cauchemar moqueur,

Et viens-tu demander au torrent des orgies

De rafraîchir l'enfer allumé dans ton cœur?

 

Inépuisable puits de sottise et de fautes!

De l'antique douleur éternel alambic!

À travers le treillis recourbé de tes côtes

Je vois, errant encor, l'insatiable aspic.

 

Pour dire vrai, je crains que ta coquetterie

Ne trouve pas un prix digne de ses efforts;

Qui, de ces cœurs mortels, entend la raillerie?

Les charmes de l'horreur n'enivrent que les forts!

 

Le gouffre de tes yeux, plein d'horribles pensées,

Exhale le vertige, et les danseurs prudents

Ne contempleront pas sans d'amères nausées

Le sourire éternel de tes trente-deux dents.

 

Pourtant, qui n'a serré dans ses bras un squelette,

Et qui ne s'est nourri des choses du tombeau?

Qu'importe le parfum, l'habit ou la toilette?

Qui fait le dégoûté montre qu'il se croit beau.

 

Bayadère sans nez, irrésistible gouge,

Dis donc à ces danseurs qui font les offusqués:

"Fiers mignons, malgré l'art des poudres et du rouge,

Vous sentez tous la mort! Ô squelettes musqués,

 

Antinoüs flétris, dandys à face glabre,

Cadavres vernissés, lovelaces chenus,

Le branle universel de la danse macabre

Vous entraîne en des lieux qui ne sont pas connus!

 

Des quais froids de la Seine aux bords brûlants du Gange,

Le troupeau mortel saute et se pâme, sans voir

Dans un trou du plafond la trompette de l'Ange

Sinistrement béante ainsi qu'un tromblon noir.

 

En tout climat, sous tout soleil, la Mort t'admire

En tes contorsions, risible Humanité,

Et souvent, comme toi, se parfumant de myrrhe,

Mêle son ironie à ton insanité!"

 

русский

 

XCVIII

L'AMOUR DU MENSONGE

 

 

Quand je te vois passer, ô ma chère indolente,

Au chant des instruments qui se brise au plafond

Suspendant ton allure harmonieuse et lente,

Et promenant l'ennui de ton regard profond;

 

Quand je contemple, aux feux du gaz qui le colore,

Ton front pâle, embelli par un morbide attrait,

Où les torches du soir allument une aurore,

Et tes yeux attirants comme ceux d'un portrait,

 

Je me dis: Qu'elle est belle! Et bizarrement fraîche!

Le souvenir massif, royale et lourde tour,

La couronne, et son cœur, meurtri comme une pêche,

Est mûr, comme son corps, pour le savant amour.

 

Es-tu le fruit d'automne aux saveurs souveraines?

Es-tu vase funèbre attendant quelques pleurs,

Parfum qui fait rêver aux oasis lointaines,

Oreiller caressant, ou corbeille de fleurs?

 

Je sais qu'il est des yeux, des plus mélancoliques,

Qui ne recèlent point de secret précieux;

Beaux écrins sans joyaux, médaillons sans reliques,

Plus vides, plus profonds que vous-mêmes, ô cieux!

 

Mais ne suffit-il pas que tu sois l'apparence,

Pour réjouir un cœur qui fuit la vérité?

Qu'importe ta bêtise ou ton indifférence?

Masque ou décor, salut! J'adore ta beauté.

 

русский

 

XCIX

 

 

Je n'ai pas oublié, voisine de la ville,

Notre blanche maison, petite mais tranquille;

Sa Pomone de plâtre et sa vieille Vénus

Dans un bosquet chétif cachant leurs membres nus,

Et le soleil, le soir, ruisselant et superbe

Qui, derrière la vitre où se brisait sa gerbe,

Semblait, grand œil ouvert dans le ciel curieux,

Contempler nos dîners longs et silencieux,

Répandant largement ses beaux reflets de cierge

Sur la nappe frugale et les rideaux de serge.

 

русский

 

C

 

 

La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse,

Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,

Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.

Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,

Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,

Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,

Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,

À dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,

Tandis que, dévorés de noires songeries,

Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,

Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,

Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiver

Et le siècle couler, sans qu'amis ni famille

Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.

 

Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir,

Calme, dans le fauteuil je la voyais s'asseoir,

Si, par une nuit bleue et froide de décembre,

Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,

Grave, et venant du fond de son lit éternel

Couver l'enfant grandi de son œil maternel,

Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,

Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse?

 

русский

 

CI

BRUMES ET PLUIES

 

 

Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,

Endormeuses saisons! Je vous aime et vous loue

D'envelopper ainsi mon cœur et mon cerveau

D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.

 

Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,

Où par les longues nuits la girouette s'enroue,

Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau

Ouvrira largement ses ailes de corbeau.

 

Rien n'est plus doux au cœur plein de choses funèbres,

Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,

Ô blafardes saisons, reines de nos climats,

 

Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,

— Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,

D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.

 

русский

 

CII

RÊVE PARISIEN

 

À Constantin Guys.

 

I

De ce terrible paysage,

Tel que jamais mortel n'en vit,

Ce matin encore l'image,

Vague et lointaine, me ravit.

 

Le sommeil est plein de miracles!

Par un caprice singulier

J'avais banni de ces spectacles

Le végétal irrégulier,

 

Et, peintre fier de mon génie,

Je savourais dans mon tableau

L'enivrante monotonie

Du métal, du marbre et de l'eau.

 

Babel d'escaliers et d'arcades,

C'était un palais infini,

Plein de bassins et de cascades

Tombant dans l'or mat ou bruni;

 

Et des cataractes pesantes,

Comme des rideaux de cristal,

Se suspendaient, éblouissantes,

À des murailles de métal.

 

Non d'arbres, mais de colonnades

Les étangs dormants s'entouraient,

Où de gigantesques naïades,

Comme des femmes, se miraient.

 

Des nappes d'eau s'épanchaient, bleues,

Entre des quais roses et verts,

Pendant des millions de lieues,

Vers les confins de l'univers;

 

C'étaient des pierres inouïes

Et des flots magiques; c'étaient

D'immenses glaces éblouies

Par tout ce qu'elles reflétaient!

 

Insouciants et taciturnes,

Des Ganges, dans le firmament,

Versaient le trésor de leurs urnes

Dans des gouffres de diamant.

 

Architecte de mes féeries,

Je faisais, à ma volonté,

Sous un tunnel de pierreries

Passer un océan dompté;

 

Et tout, même la couleur noire,

Semblait fourbi, clair, irisé;

Le liquide enchâssait sa gloire

Dans le rayon cristallisé.

 

Nul astre d'ailleurs, nuls vestiges

De soleil, même au bas du ciel,

Pour illuminer ces prodiges,

Qui brillaient d'un feu personnel!

 

Et sur ces mouvantes merveilles

Planait (terrible nouveauté!

Tout pour œil, rien pour les oreilles!)

Un silence d'éternité.

 

 

II

En rouvrant mes yeux pleins de flamme

J'ai vu l'horreur de mon taudis,

Et senti, rentrant dans mon âme,

La pointe des soucis maudits;

 

La pendule aux accents funèbres

Sonnait brutalement midi,

Et le ciel versait des ténèbres

Sur le triste monde engourdi.

 

русский

 

CIII

LE CRÉPUSCULE DU MATIN

 

 

La diane chantait dans les cours des casernes,

Et le vent du matin soufflait sur les lanternes.

C'était l'heure où l'essaim des rêves malfaisants

Tord sur leurs oreillers les bruns adolescents;

Où, comme un œil sanglant qui palpite et qui bouge,

La lampe sur le jour fait une tache rouge;

Où l'âme, sous le poids du corps revêche et lourd,

Imite les combats de la lampe et du jour.

Comme un visage en pleurs que les brises essuient,

L'air est plein du frisson des choses qui s'enfuient,

Et l'homme est las d'écrire et la femme d'aimer.

 

Les maisons çà et là commençaient à fumer.

Les femmes de plaisir, la paupière livide,

Bouche ouverte, dormaient de leur sommeil stupide;

Les pauvresses, traînant leurs seins maigres et froids,

Soufflaient sur leurs tisons et soufflaient sur leurs doigts.

C'était l'heure où parmi le froid et la lésine

S'aggravent les douleurs des femmes en gésine;

Comme un sanglot coupé par un sang écumeux

Le chant du coq au loin déchirait l'air brumeux;

Une mer de brouillards baignait les édifices,

Et les agonisants dans le fond des hospices

Poussaient leur dernier râle en hoquets inégaux.

Les débauchés rentraient, brisés par leurs travaux.

 

L'aurore grelottante en robe rose et verte

S'avançait lentement sur la Seine déserte,

Et le sombre Paris, en se frottant les yeux,

Empoignait ses outils, vieillard laborieux.

 

русский

 

 

LE VIN

 

CIV

L'ÂME DU VIN

 

 

Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles:

"Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,

Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,

Un chant plein de lumière et de fraternité!

 

Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,

De peine, de sueur et de soleil cuisant

Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme;

Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,

 

Car j'éprouve une joie immense quand je tombe

Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux,

Et sa chaude poitrine est une douce tombe

Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.

 

Entends-tu retentir les refrains des dimanches

Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant?

Les coudes sur la table et retroussant tes manches,

Tu me glorifieras et tu seras content;

 

J'allumerai les yeux de ta femme ravie;

À ton fils je rendrai sa force et ses couleurs

Et serai pour ce frêle athlète de la vie

L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.

 

En toi je tomberai, végétale ambroisie,

Grain précieux jeté par l'éternel Semeur,

Pour que de notre amour naisse la poésie

Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur!"

 

русский

 

CV

LE VIN DES CHIFFONNIERS

 

 

Souvent, à la clarté rouge d'un réverbère

Dont le vent bat la flamme et tourmente le verre,

Au cœur d'un vieux faubourg, labyrinthe fangeux

Où l'humanité grouille en ferments orageux,

 

On voit un chiffonnier qui vient, hochant la tête,



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